Dans un arrêt du 24/01/2018 -N°16-23743, la Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d’appel de Versailles rendu le 7/07/2016 qui avait rejeté les demandes du salarié aux titres des heures supplémentaires, des congés payés afférents et d’une indemnité pour travail dissimulé aux motifs selon la cour « que le salarié avait produit des fiches de saisie informatique enregistrées sur l’intranet de la société contentant le décompte journalier des heures travaillées auquel l’employeur pouvait répondre, peu important la référence faite de ces fiches à une durée de travail hebdomadaires de 37 h »
Selon l’article L 3171-4 du Code du travail :« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
Ainsi, la charge de la preuve ne pèse pas uniquement sur le salarié, il appartient également à l’employeur de justifier des horaires de travail effectués par l’intéressé.
La jurisprudence s’attache à l’application de cette règle (Cass. soc. 5 juin 1996, n° 94-43.502; Cass. soc. 24 avril 2003, n° 00-44.653).
Le juge doit ainsi former sa conviction au vu de ces éléments ainsi que de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande.
La Cour de cassation exige seulement du salarié qu’il fournisse préalablement au juge des éléments caractérisant un commencement de preuve (Cass. soc. 15 décembre 2004, n° 03-40.238).
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, le salarié doit avant tout présenter des éléments étayant sa demande (Cass. Soc. 10 avril 2013, n°12-16847).
Quant aux documents qui sont susceptibles d’étayer une demande salariale, il s’agit bien entendu des décomptes de temps de présence établis par le salarié.
La jurisprudence, toutefois, semble s’être durcie
De nombreux arrêts retenaient l’existence d’heures supplémentaires sur la foi du décompte établi par le salarié (CA Grenoble 5 mai 2003 « Combes c/ Les mutuelles de France Isère » et CA Paris 7 février 2003 « Sailly c/ Nouvelle Torrens »).
Ainsi, la Cour d’appel de Toulouse a pu considérer dans une décision du 31 janvier 2002 que « l’agenda tenu par le salarié est le seul moyen dont dispose un salarié pour comptabiliser son temps de travail effectif, et il ne peut être écarté des débats au motif qu’il ne constituerait pas un élément de preuve objectif« (« Durewski c/ Ambulances Fuxennes »).
Toutefois, dans un arrêt du 1er décembre 2015 n°14-15077, la Cour de cassation considérait qu’un seul relevé manuscrit n’est pas un preuve suffisante :
« Mais attendu qu’ayant constaté que le salarié ne fournissait qu’un relevé manuscrit mensuel quelles que soient la période de l’année, la distance et la nature du chantier, sans tenir compte des absences et sans qu’aucun élément extérieur, date, lieu des chantiers ou attestations de collègues, ne vienne le corroborer afin de démontrer qu’il effectuait des heures supplémentaires au delà de celles qui lui étaient réglées chaque mois, la cour d’appel a fait ressortir, sans inverser la charge de la preuve, que ces éléments n’étaient pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que le moyen n’est pas fondé » ;
Cet arrêt rejetait la demande du salarié pour manque de précisions et en l’absence d’élément extérieur notamment d’attestation de collègues.
Dans cette espèce, il s’agissait d’un manoeuvre qui était affecté sur différents chantiers et qui pouvait, de ce fait, donner plus amples précisions sur l’exécution des heures supplémentaires par exemple, tel jour, il était sur un chantier à tel endroit et il est rentré au siège à telle heure.
Donc, il appartient au salarié d’apporter des éléments de preuve suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.
L’employeur doit fournir des éléments qui permettent de justifier les horaires effectivement réalisés (ex : fiches annexes en cas de modulation des horaires, système de pointage).
La Cour de cassation a affirmé par un arrêt en date du 26 novembre 2008 (n°07-42.773) que l’employeur qui ne fournit aucun élément au juge dans ce type de litige doit subir le risque d’être condamné à régler un rappel de salaire.
Ainsi, le juge ne peut pas refuser le paiement d’heures supplémentaires au seul motif, par exemple, que le salarié se contente de produire un relevé des heures réalisé par ses soins (Cass. Soc. 26 septembre 2012, n°10-27508).
Ainsi dans l’arrêt du 24/01/2018, la Cour relève que « l’employeur pouvait répondre aux éléments de preuve fournis par le salarié, en l’occurrence les fiches de saisie informatique produits par le salarié et enregistrés sur l’intranet de la société », ne l’ayant pas fait, la juridiction en tire toutes les conséquences.
Ainsi, la Cour réaffirme le principe « qu’en matière de preuve des heures supplémentaires », la charge est partagée et que l’employeur ne peut se contenter de contester les allégations du salarié sans fournir aucun élément.